Sartre, icône putride

Ce n’est pas sans plaisir que nous trouvons à dégommer ce funeste personnage dont le simple nom nous donne « la nausée ». En avril 1980 lors de ses obsèques, 100 000 personnes accompagnèrent sa dépouille au cimetière Montparnasse, derrière tous les leaders de la gauche politique, intellectuelle et médiatique portant mine de circonstance. Sartre reçut même l’éloge de Valéry Giscard d’Estaing, qui n’était jamais le dernier à faire des courbettes à la gauche (voir notre article Petit focus sur VGE) : « Jean-Paul Sartre fut l’une des grandes lueurs d’intelligence de notre temps ». Mais lueur n’est pas lumière, bien au contraire !

Comme l’a remarqué Jean-François Sirinelli dans Intellectuels et passions françaises (Éditions Fayard), Sartre (comme sa compagne Simone de Beauvoir) fut le plus grand pétitionnaire de tous les temps, l’archétype de « l’intellectuel engagé » qu’il a dépeint dans un essai, Les temps modernes (octobre 1945). Jean-Paul Sartre a été, dans la seconde moitié du XXe siècle, l’axe autour duquel a tourné l’intelligentsia de gauche en France, à l’immunité judiciaire de fait, encensé par les médias (et fondateur du journal Libération), enseigné dans les lycées de son vivant et sujet obligé au baccalauréat. 

Pour autant, Sartre fut-il « grand » ? Son engagement communiste, sa haine pathologique de la « bourgeoisie » (il refuse de porter cravate !), son éloge du « bâtard » (l’enfant illégitime) ne sont que des postures : issu de la bourgeoisie protestante alsacienne, petit-neveu d’Albert Schweitzer, orphelin de père à 15 mois, sa mère se remaria avec le directeur des chantiers navals de La Rochelle. On a fait pire comme milieu de naissance. Il nous rappelle Laurent Fabius issu de la plus riche famille d’antiquaires de France, Manuel Valls, ou l’icône des anars Léo Ferré dont le père était directeur du personnel du Casino de Monte-Carlo, la mine pour ainsi dire. Un grand classique bien connu, que le petit bourgeois qui joue à s’encanailler en « adoptant » la cause du prolétaire, le monde politique de gauche français en es rempli. Ces gens ont bien appris Lénine, qui répétait après Marx que « La conscience socialiste ou révolutionnaire ne pouvait venir que de la classe bourgeoise, des intellectuels, des fondateurs du socialisme scientifique ; Marx et Engels étaient des intellectuels bourgeois » (Œuvres complètes, Tome IV, p.437).

Élève des lycées Henri IV et Louis-le-Grand à Paris, il entre à l’École normale supérieure (où se formait l’élite politique et administrative de la France avant la Deuxième Guerre mondiale) et il est reçu premier à l’agrégation de philosophie. Rapidement nommé à Paris, il se fait mettre en disponibilité pendant deux ans (1936-1938) pour suivre les cours du philosophe allemand Martin Heidegger. Il tirera de cette fréquentation un livre, L’Être et le néant, au titre calqué sur L’Être et le temps de Heidegger, dont il n’est qu’un piètre épigone. L’Être et le néant est considéré (du moins en France) comme le manifeste de l’existentialisme, philosophie matérialiste pour qui la nature humaine est perpétuellement en devenir : « Peut-être qu’on n’est pas du tout : toujours en question, toujours en sursis, peut-être doit-on perpétuellement se faire ! » Une telle conception autorise, évidemment, toutes les expériences sur l’homme et la société, jusqu’à l’actuelle folie du transgenrisme.

Avec L’existentialisme est un humanisme, publié en 1946, Sartre devient la figure de proue des intellectuels de Saint-Germain-des-Prés (dont la place porte désormais son nom et celui de sa femme) et « le pape de l’existentialisme », le « maître » aimant se faire photographier à la terrasse du Café de Flore ou des Deux Magots, le stylo à la main, la cigarette à la bouche, le regard perdu dans ses réflexions. 

Membre éminent du Comité national des écrivains (CNE), organisation communiste qui établit en 1945 une liste de près de 150 écrivains « collabos » (ou réputés tels parce que de droite), interdits à l’avenir de toute publication. De Gaulle est élu président de la République par l’Assemblée nationale le 13 novembre 1945. Il lui aurait été aisé de prendre la parole pour réfuter cette liste, la déclarer sans valeur, interdire aux maisons d’édition de refuser la publication de ces auteurs, et œuvrer ainsi à la liberté d’expression. Il n’ouvre pas la bouche. Le pouvoir français tout au long du XXe siècle, lorsqu’il n’est pas de gauche, aura été d’une veulerie sans nom avec les gauchistes.

Mais revenons à l’imposteur Sartre, qui menait, comme le relève Thomas Molnar dans son Sartre, philosophie de la contestation, une vie typiquement bourgeoise : « De nombreux passages des mémoires de Simone de Beauvoir font allusion avec une remarquable candeur et un égal manque de tact, aux achats de vêtements, de bijoux, de tableaux, qu’ils font l’un et l’autre dans des pays bourgeois dont ils dénoncent les richesses comme un butin provenant de l’exploitation des prolétaires. » Ce genre de tartuffes nous révoltent véritablement au dernier degré.

Sartre fut-il une des « intelligences de son temps » ? De son temps certainement, car jamais la société bourgeoise qu’il affectait de « vomir » n’a été plus complaisante qu’à son égard. Signataire du Manifeste des 121 le 4 septembre 1960 pour le droit à l’insoumission de l’Algérie (ces cervelles frelatées de gauchistes adorent ce genre d’initiatives, et autres « tribunes », comme celles en faveur de la pédophilie dans la presse de gauche dans les années 1970, ou celle contre Gérard Depardieu en décembre 2023), c’est le Premier ministre d’alors, Michel Debré, « père » de la constitution de la Ve République et homme lige du Général de Gaulle, qui s’opposa personnellement à l’inculpation de Sartre pour avoir signé ce texte – pénalement constitutif du délit de provocation de militaires à la désobéissance – , au motif que Sartre était nobélisable (prix qu’il recevra effectivement en 1964). Là encore, on mesure le degré de forfaiture et de compromission du pouvoir « de droite » français avec la gauche. 

Son engagement militant au sein du parti communiste à partir de 1950 – alors que Staline et le Goulag sont à leur apogée ! – lui feront écrire les formules les plus emblématiques de la gauche de l’après-guerre, comme « Il ne faut pas désespérer Billancourt » (suite au procès Kravchenko), justification du « mensonge révolutionnaire » dans la pure tradition léniniste, ou « Tous les anticommunistes sont des salauds » (qu’il écrit dans son livre Nekrassov en 1955).

En réalité, Sartre fut un de ces brillants « ingénieurs de l’âme » que réclamait Jdanov, l’idéologue du parti communiste soviétique sous Staline, pour mener partout dans le monde la guerre intellectuelle. Même si la déstalinisation puis le soulèvement de Budapest (en 1956) l’amenèrent à s’éloigner du Parti communiste français, il ne rompit jamais avec l’idéologie dont il avait fait sa rente quotidienne.

De l’Algérie à Mai 68 et au-delà, Jean-Paul Sartre aura constamment dévoyé son talent, mis au service des matérialismes les plus meurtriers et des causes les plus immondes. L’une des dernières pétitions qu’il signa ne fut-elle pas, nous en parlions en amont, celle initiée par Jack Lang dans l’affaire Dejager, Gallien et Burkhardt, pétition qui demandait la libération de ces trois pédophiles : « Trois ans de prison pour des caresses et des baisers, cela suffit ! » (Le Monde, 26 janvier 1977) ? Pour rappel annexe, Jack Lang a été reconduit en décembre 2023 par Emmanuel Macron à la tête de l’Institut du monde arabe. La pourriture de ce régime et de cette classe politique est sans limites, et l’irréactivité des Français rend fou tout esprit normalement constitué.

Sartre a soutenu l’Ayatollah Khomeini protégé par Valéry Giscard d’Estaing à Neauphle-le-Château dans les Yvelines. Il a été l’un des co-fondateurs du journal Libération, journal qui faisait partie du comité de soutien de l’Ayatollah.

C’est en pensant à Sartre que l’écrivain polonais exilé Czeslaw Milosz, prix Nobel de littérature 1980, a pu écrire : « Jamais les intellectuels hégéliens ne comprendront quelles conséquences ont pu avoir leurs arguties, ni quels abîmes ils creusaient. » (dans L’interlocuteur fraternel, 1960). La « lumineuse intelligence » de Sartre n’aura finalement servi, pendant des décennies, qu’à masquer aux peuples occidentaux la sinistre lueur de la guerre que le communisme a faite au Bien, au Beau et au Vrai.

Jusque dans son physique ingrat, Sartre aura été l’illustration de la Rancune des disgraciés que nous évoquons dans cet autre article éponyme.