On vous a dit que la République c’est la démocratie ?

Tromperie toujours et encore. Il faut expliquer un paradoxe : les philosophes politique de la Modernité, Hobbes, Hegel, Rousseau, Kant, Montesquieu, les pères de la démocratie, ou du moins ceux que l’on vous désigne et qui sont encensés en tant que pères de la démocratie, ne sont pas démocrates. Seuls ceux qui ont fait l’effort de lire intégralement ces auteurs peuvent en faire le constat. Voilà pourquoi c’est ignoré par 95 % sans doute de la population, qui avale dès l’école la fable dispensée à leur sujet. La supercherie est énorme. De ces énormités qui rendent la vérité difficile à croire une fois qu’on la découvre tant le mensonge est installé, selon le principe du « plus c’est gros, plus ça passe »…

Hobbes prône la monarchie, dont il vante clairement la supériorité de son système. Hegel a le même argument. Rousseau n’est pas plus démocrate. Outre ses pages sévères sur les capacités législatives du peuple (incapacités est donc le mot juste), c’est tout ce chapitre du Contrat social où il explique les multiples défauts du régime démocratique. Il lâche cette formule sans appel : « il n’a jamais existé de véritable démocratie, et il n’en existera jamais. Il est contre l’ordre naturel que le grand nombre gouverne et que le petit soit gouverné ». Etonnant n’est-il pas ? Pour Rousseau la démocratie est tout simplement « contre-nature ». Il dit encore : « à l’instant qu’un peuple se donne des Représentants, il n’est plus libre ; il n’est plus ». Sacré aveu. Vous je ne sais pas, mais nous jamais l’école ne nous a présenté ça du « Grand Rousseau ». Kant de son côté explique que parmi les trois formes classiques d’Etat, la forme démocratique, au sens propre du mot est nécessairement despotique ; et il a évidemment raison. Nous avons fait remarquer dans un précédent article (Sacro-sainte majorité…) que le principe de la majorité de « 50 + 1 voix » est une abomination car il laisse toujours une moitié d’insatisfaits obligée de subir ce que lui impose l’autre partie. 

Comment expliquer une telle hostilité unanime de ces grands auteurs pour la démocratie ? C’est qu’en réalité pour ces philosophes, l’objet propre du discours politique n’est pas la « forme » du gouvernement, importante mais secondaire. Ce qu’ils étudient est la chose publique, c’est-à-dire la République. Or la République n’est pas la Démocratie : « il ne faut pas confondre, comme il arrive communément, la constitution républicaine avec la constitution démocratique », déclare Kant. La République n’est qu’un « genre » dont les « espèces » sont les formes de gouvernement (et la démocratie n’est qu’une forme de gouvernement). Pour réaliser sa tromperie, le système actuel amalgame à longueur de discours République et Démocratie, en prenant pour référence des auteurs dont le sujet de réflexion était la République, pas la démocratie.

Alors bien sûr l’homme de la rue ne s’attarde pas sur ces subtilités philosophiques pourtant fondamentales puisqu’elles déterminent la forme de la cage dans laquelle il vit. Pour Kant, la démocratie est toujours despotique car elle n’est pas représentative. Et c’est en effet ce qui est traduit par deux éléments que nous évoquons fréquemment. D’abord en cinq mots au premier alinéa de l’article 27 de la Constitution actuelle (allez vérifier) : « Tout mandat impératif est nul ». Autrement dit on ne reconnaît aucune valeur, aucune existence légale à tout mandat donné pour défendre les choix et opinions du votant. Le votant n’est en réalité pas représenté par ce système. L’élu n’agit pas au nom de celui qui a voté pour lui. Ce montage d’escrocs considère qu’il agit en tant que représentant du concept abstrait de « nation » dans son ensemble. Et à partir de là, il fait ce qu’il veut, même si cela va contre les intérêts de ceux qui l’on élu, ce que l’on constate de façon récurrente dans l’action parlemetaire. C’est ce qui est clairement dit par Condorcet devant la Convention (vérifiable le aux Archives de l’Assemblée nationale) : « Le peuple m’a choisi pour exposer mes idées, non les siennes. L’indépendance absolue de mes opinions est le premier de mes devoirs envers lui ». On ne peut pas faire plus cynique dans la forfaiture. Tant que les gens n’auront pas massivement compris tout cela, le Système en place se maintiendra.