Islam ou islamisme ?

D’après le dictionnaire Robert, « islamisme » fait son apparition dans le vocabulaire français en 1697, et « islam » en 1828. Il est clair qu’en 1697, islamisme, avec sa terminaison en isme, sert naturellement à nommer la religion, comme on l’a toujours fait du christianisme, du catholicisme, du protestantisme, du judaïsme et du bouddhisme, ou de toute doctrine ou activité (capitalisme, communisme, journalisme, cyclisme…). Et les deux termes, islamisme, islam, sont considérés comme synonymes jusqu’à la moitié du XXe siècle. De cet usage classique, on peut trouver des exemples, dans le Voyage en Orient de Gérard de Nerval par exemple, publié en 1851 (« un pauvre diable de Français (…) avait résolu de se faire musulman, et ce qu’il y avait de plus singulier, c’est que sa femme aussi voulait embrasser l’islamisme…), dans l’ouvrage fameux de Renan, L’islamisme et la science (1883), et jusque dans Coke en stock de Hergé (1958). Dans ces années antérieures, la terminaison en « iste » n’est porteuse d’aucun sens de radicalité, l’islamiste est un simple adepte de l’islam, comme le trompettiste est joueur de trompette.

Vers le milieu du XXe siècle, cependant, émerge un deuxième sens d’ « islamisme », qu’atteste le dictionnaire Robert sans en préciser l’origine historique : le sens de « mouvement politique et religieux prônant l’expansion ou le respect de l’islam ». C’est tout. C’est peu. Et c’est embarrassant. Car, enfin, quelle différence peut-il y avoir entre l’islam, d’un côté, et de l’autre un mouvement politico-religieux prônant le respect de l’islam ? Aucune évidemment. Qui d’autre qu’un adepte de l’islam peut prôner le respect ou l’expansion de l’islam ? N’est-il pas dans l’ordre des choses qu’une religion tende à faire des convertis ? Qui ne sait que l’islam, en particulier, est fortement enclin au prosélytisme ? Et qui, ayant lu le Coran, peut ignorer qu’Allah promet aux vrais croyants – autrement dit à ses adeptes – la victoire définitive, au jour du Jugement dernier, sur toutes les autres religions ? (voir, par exemple Sourate VIII, Verset 19).

Or, depuis que l’islam est générateur d’attentats et d’actes de Jihad sur notre territoire, à entendre la classe politique et ses perroquets médiatique qui les uns comme les autres montrent qu’ils ne connaissent strictement rien sur le sujet, n’ont jamais pris la peine de lire un islamologue sérieux, sans quoi ils ne tiendraient pas ce langage (Alain Juppé par exemple, que l’on avait surnommé Ali Juppé tant était grande sa proximité avec les musulmans de Bordeaux, a reconnu qu’il n’avait jamais lu une ligne du Coran), il y aurait une différence entre islamisme et islam. Et selon ces beaux ignorants ce serait une différence de nature. L’islamisme, disent-ils, n’est pas le « véritable » islam, il est le nom occidental d’une « mouvance », c’est-à-dire d’un ensemble de courants représentatifs, selon certains, d’un islam « radical » ou « politisé », et, selon d’autres, d’un « fondamentalisme » musulman, l’un et l’autre marginaux, une déviance, une hérésie pour ainsi dire. Cet argumentaire a évidemment été forgé pour dédouaner l’islam de sa responsabilité dans ce que nous subissons, et tenter de faire tenir son acceptation dans le corps social français. Rien ne saurait venir contrarier l’utopie du « vivre-ensemble » dans le melting-pot mondialiste multiracial radieux. Mais dans le concret, les deux définitions s’équivalent pratiquement. Tout « retour » aux fondements de l’islam implique en effet une politisation de l’islam, dans la mesure où l’islam, comme la plupart des grandes religions et sans doute plus que n’importe quelle autre religion, s’est voulu inséparable, dès le départ, d’un projet politique global, valable pour la « Oumma » (la communauté des croyants) dans sa totalité, par-delà ses cloisonnements artificiels (linguistiques, nationaux, etc.). La chose est entendue et bien comprise par les esprits honnêtes depuis la diffusion de la formule que l’on attribue à Ferhat Mehenni, président du gouvernement provisoire kabyle en exil à Paris : « L’islam c’est l’islamisme au repos, et l’islamisme c’est l’islam en mouvement. C’est une seule et même affaire ». Quelle différence de nature peut-il y avoir entre une religion (quelle qu’elle soit) et le fondamentalisme qui lui correspond ? Ou encore, entre les croyances d’un adepte de cette religion et les croyances d’un fondamentaliste professant la même religion ? La réponse (aisément vérifiable : il suffit d’interroger des juifs, des chrétiens ou des musulmans pieux) est : AUCUNE. En termes de croyances religieuses, il ne saurait y avoir aucune différence de nature entre le simple croyant et le fondamentaliste. L’un comme l’autre puisent leurs croyances dans le même « stock » de base. Il n’y a pas de différence de nature entre islam et islamisme, le second ne faisant que s’inscrire dans le cadre des principes posés par le premier. C’est la raison pour laquelle « l’islamisme » ne peut être ouvertement désapprouvé par aucun musulman pieux ou simplement conformiste.

En conséquence et au risque de nous répéter, la seule différence entre eux ne saurait donc être qu’une différence d’accent ou, si l’on veut, de degré. On peut dire que le fondamentaliste est plus fortement croyant que le simple croyant. Ou bien qu’il croit à la totalité des croyances figurées dans le « stock » (tandis que le croyant « tiède », ou « modéré » – selon le terme chéri de l’oligarchie politico-médiatique – n’adhère qu’à, ou bien n’applique, qu’une partie d’entre elles). Ou bien encore qu’il interprète le contenu de leurs croyances communes dans un sens plus rigoureux, plus restrictif, ou plus proche de ce qu’il croit être leur signification originaire (ou littérale) que ne le fait le simple croyant. En d’autres termes, le fondamentalisme n’est pas, par rapport à la religion, une excroissance étrangère, une forme de pathologie, un parasite. Il n’est rien d’autre, en dernière analyse, que l’expression d’une tendance à pratiquer une religion donnée en allant à la forme la plus « pure » ou la plus « littérale » de celle-ci, à son application complète, respectueuse de tous ses préceptes, ce que ne fait pas par exemple le « modéré » qui néglige l’interdiction faite par le Coran (Sourate V Verset 51) de contracter amitié avec le polythéiste, le juif et le chrétien. Le fondamentalisme se confond, par conséquent, avec la religion elle-même. L’islamisme ne fait pas appel à des croyances d’une nature différente de celles qui constituent l’islam. Il correspond simplement à une façon plus intense de vivre ces croyances. Il n’est pas quelque chose de marginal, d’atypique, d’aberrent, puisqu’il fait partie intrinsèque du contenu. Il veut être l’islam entendu à la lettre, dans la totalité de ses dimensions. L’islam pratiqué d’une manière qui ne laisse place ni au doute, ni au relâchement. Et puisque le texte prescrit de faire la guerre aux infidèles, celui qui s’en prend à ces derniers par des actes terroristes est le plus fidèle des croyants, parfaitement respectueux de cet aspect du texte. C’est le « modéré » qui est un « fidèle partiel ».

Si l’islam, par conséquent, n’était pas « dangereux », l’islamisme ne le serait pas non plus. Mais si – comme c’est le cas – l’islam inscrit à son programme la nécessité de son triomphe final sur toute les autres religions (et à plus forte raison sur l’athéisme et l’agnosticisme), alors l’islamisme risque d’être, et est, dangereux. Pour le dire autrement, sans islam, pas d’islamisme.

Lorsque l’on a compris tout cela, l’argumentaire fallacieux mais officiel du « pas d’amalgame », « l’islam n’est pas responsable », « c’est une religion de tolérance, d’amour et de paix », « c’est l’acte de déséquilibré », s’effondre instantanément.

  • Rappel des propos de l’Ayatollah Khomeini et de Alija Izetbegovic à ce sujet : 

Ruhollah Khomeini (Principes politiques, philosophiques, religieux et sociaux)

« Les musulmans n’ont d’autre alternative qu’une guerre sainte armée contre les gouvernements profanes. Une guerre sainte signifie la conquête de tous les territoires non musulmans. Il sera du devoir de chaque homme adulte robuste de se porter volontaire pour cette guerre de conquête, dont le but final est de placer la loi coranique au pouvoir d’un bout à l’autre de la terre ».

Alija Izetbegovic (Déclaration islamique, 1970 – ex-président porté au pouvoir en Bosnie avec le soutien des Occidentaux dans les années 1990 à la faveur du conflit dans les Balkans)

« A la question « qu’est-ce que la société musulmane ? » nous répondons : c’est la communauté composée des musulmans et nous considérons qu’avec cela tout est dit ou presque tout. La première et la plus importante de telles conclusions est sans doute celle sur l’impossibilité du lien entre l’Islam et d’autres systèmes non islamiques. Il n’y a pas de paix ni de coexistence entre la religion islamique et les institutions sociales et politiques non islamiques ».

« Ayant le droit de gouverner lui-même et son monde, l’islam exclut clairement le droit et la possibilité de la mise en œuvre d’une idéologie étrangère sur son territoire. Il n’y a donc pas de principe de gouvernement laïc, et l’État doit être l’expression et le soutien de concepts moraux de la religion ». 

 « Le mouvement islamique doit et peut prendre le pouvoir dès qu’il est normalement et numériquement fort, à tel point qu’il puisse non seulement détruire le pouvoir non-islamique, mais qu’il soit en mesure d’être le nouveau pouvoir islamique ».

 « L’islam ne peut en aucun cas coexister avec d’autres religions dans le même État, sauf comme un expédient à court terme. Sur le long terme, par contre, après être devenus plus forts, dans un pays quel qu’il soit, les Musulmans ont le devoir de s’emparer du pouvoir et de créer un État authentiquement islamique ».

Les Français contemporains du conflit des Balkans des années 1990 se souviennent de la répugnante et unanime complaisance des médias alignés sur le positionnement des autorités françaises à l’égard de la Bosnie musulmane et d’Izetbegovic présenté sous des louanges alors qu’il ne se cachait pas de vouloir instaurer la charia en Bosnie ; c’est dans ce sens qu’il rendra obligatoire l’enseignement de l’islam dans les écoles de Bosnie, qu’il intégrera les Moudjahidins dans les troupes de Bosnie, et qu’il demandera l’arabisation des programmes. L’action du camp Occidental préférant favoriser la résurgence de l’islam (après l’éteignoir communiste Titiste) et son renforcement dans cette zone du continent européen, demeurera une forfaiture sans nom.

Tous ceux qui sur les plateaux télé et dans les médias bourrent le crâne de l’opinion, par ignorance ou par choix malhonnête, avec le discours des autorités faisant une distinction entre islam et islamisme, trompent leur monde et sont de dangereux acteurs empêchant la prise de conscience du public sur les réalités de l’islam.