Lumière du Solstice d’été

Le solstice d’été, miroir cosmique du solstice d’hiver, nous place au zénith de l’illumination de l’année, moment où les énergies sont plus fortes, dans la puissance de la célébration du Sol Invictus des Romains, lumière invaincue qui triomphe et revient toujours. Le solstice d’été est la manifestation du triomphe de la force immanente du divin qui se voit par l’astre solaire. Lumière, chaleur, énergie, puissance. Cette perception est partagée dans l’ensemble du monde indo-européen, mais aussi comme chacun sait en Amérique du Sud par exemple avec les Mayas et les Azteques. Les pyramides précolombiennes ont aussi des orientations solaires. On retrouve même dans les monuments mégalithiques un peu partout en Europe (comme à Stonehenge) des orientations associées au solstice. La reconnaissance des hommes pour les bienfaits solaires remonte à la nuit des temps. Bienfaits bien concrets, pour les récoltes, pour la navigation, la douceur de vivre. Au jésuite conquistador venu dire aux Amérindiens « Sans nous, vous seriez encore en train de vénérer le soleil », un autochtone doté d’humour aurait pu rétorquer « Mec… le soleil existe vraiment ! ».

Le critère solaire permet d’avoir un calendrier naturel et d’être en accord avec la Nature. Toutes les civilisations traditionnelles vont être en accord avec cette Nature. Outre l’aspect spirituel, il y a l’aspect « physique », matériel, rythmant le temps des moissons, celui de la préparation pour l’hiver à venir. Il est donc fondamental de savoir quand survient le jour le plus long pour se préparer, en lien avec les facteur géographiques et climatiques, à la suite du cycle infini des saisons. Il faut une saisonnalité.

Traditionnellement, en Europe, le solstice d’été est fêté avec la même intensité chez les peuples celtiques, germaniques, nordiques, latins, grecs (Apollon sur son char avec lequel il s’envolera vers le pays des Hyperboréens, étant le dieu solaire), étrusques, slaves, chez les anciens Perses avec un équivalent assez fort dans le zoroastrisme. La garde varangienne de Byzance, qui était faite de mercenaires scandinaves, célébrait le solstice d’été autour d’un grand feu. Historiquement, il n’y avait que 10 % de chrétiens dans l’empire romain quand le christianisme a pris le dessus sous Constantin, essentiellement des aristocrates, dont de nombreuses femmes. Le christianisme évidemment dans son œuvre d’entrisme et d’adaptation des fêtes païennes à son propre récit pour faire accepter cette importation sémite par les populations, a comme chacun sait, accolé de fêter la Saint-Jean à notre solstice d’été, en y conservant les feux traditionnels païens.

La Scandinavie contemporaine célèbre toujours le Midsommar Fest. En France, après un creux dans la célébration solsticiale correspondant à l’exode rural des années 1960 jusqu’aux années 1990, la jeunesse dans les villages a fait peu à peu revivre le solstice païen, il y aujourd’hui une belle densité festive de tradition solsticiale, à travers par exemple le montage d’associations. On voit par exemple dans l’Est de la France et dans les Alpes des roues enflammées dévaler les pentes des collines, image de ces roues que l’on retrouver sur la couverture du livre de Gérard Leroy Nos Racines, Fêtes et Traditions d’Europe au fil des saisons aux Éditions Versipellis.

Les gens demeurent touchés et sensibles à la symbolique du solstice d’été dans sa célébration traditionnelle païenne. Tous ceux qui ont pu méditer, assis ou debout, face à un brasier le savent, le ressentent instinctivement, il y a quelque chose de l’ordre de la vibration, qui nous parle bien plus que les fables chrétiennes sur les sanctifiés. On se sent quasiment « aimantés » par le feu, par le mouvement des flammes, le rougeoiement vivant des braises, on n’arrive pas à s’en détourner. Cette lumière et cette puissance qui montent sont très parlantes pour les gens en recherche de sens, il y a quelque chose de l’ordre de l’appel.

Le solstice d’été a même pendant un temps été éclipsé par un épouvantable être parasite et pervers, Jack Lang, toujours au rendez-vous dans les sales coups de la contre-tradition, qui fixa son atroce et artificielle Fête républicaine de la Musique sur cette date, comme l’Église avant lui avait fixé sa Saint-Jean au même moment, mais en supprimant pour ce qui le concerne le sacré, ce que les chrétiens n’avaient pas fait. D’ailleurs, à propos de cette Fête de la Musique, il faut noter son caractère opposé, et il n’y a pas à douter qu’elle ait été conçue volontairement pour cela, par le bruit qu’elle génère, un bruit pour ainsi dire sacrilège, au moment de la tradition qui face au brasier était davantage un moment de silence, de purification. La perfide symbolique maçonnique sait aller loin dans son entreprise, l’idée étant une fois encore de nous couper de toutes nos racines. La Fête de la Musique fait disparaître les gestes de la tradition solsticiale, on monte une sono, et un DJ enchaîne sa chiasse sonore, comme sur le perron de l’Élysée en 2018. Elle est beaucoup moins l’occasion de produire des musiques de qualité que du bruit indigent et pénible.

Avec la fête solsticiale païenne d’été, c’est l’esprit communautaire qui prédomine, c’est le moment où la communauté villageoise se retrouve, l’esprit familial, l’esprit du clan extrêmement élargi, l’ancien clan des guerriers se retrouve, et la communauté de peuple se réveille, une vibration se crée autour de ce feu. Tout comme la Tour de Jul (liée au solstice d’hiver), la forme donnée au bûcher du feu de solstice d’été est une représentation du pôle primordial dont parlent tous les anciens mythes européens, disant que nous sommes issus d’un Grand Nord mythique figuré par une montagne polaire au somment de laquelle brûlait un feu éternel et sacré, où s’est incarnée la lumière de gloire, feu associé au dieu Heimdall. Tour de Jul et bûcher de solstice d’été sont la résurgence symbolique de ce mont sacré qui revient en rappel de nos origines, une force qui attend son heure pour revenir dans le clan et redonner puissance au groupe, recréer une vibration populaire. Dans une célébration du solstice d’été, il se passe « quelque chose » dans ces moments de force autour de ce feu qui flamboie. On ressent cette force ancestrale qui revient.

La journée du solstice, c’est le moment symbolique de célébration de l’heure « Sans ombre » des Anciens, lorsqu’au Grand midi, le soleil à son zénith, il n’y a quasiment plus d’ombre pour vous couper du divin, on est en pleine lumière en contact direct avec le divin, moment qui est représenté par la rune Ehwaz (en forme de M) laquelle est associée également à l’image du cheval, vecteur de communication directe avec le divin. Une projection du divin sur les clans se fait dans ces moments. Et la contre-tradition, qu’elle soit chrétienne ou républicaine, est là bien sûr pour effacer tout cela, pour mettre de la lumière artificielle et du bruit, contrarier la possibilité au divin de la tradition ancestrale païenne d’arriver sur nous (le christianisme a habillé ce concept par sa descente de l’esprit saint sur les apôtres sous la forme d’une colombe – fête de la Pentecôte). Dans le passé, dans les Alpes, en Suisse, les feux se répondaient dit-on de hauteurs en hauteur. Il semblerait que certains essaient de raviver cette pratique dont Tolkien s’est inspiré pour les feux d’alarme du Gondor que l’on voit dans la troisième partie du Seigneur des Anneaux. Il y a également dans tout cela la symbolique de l’alerte, de se mettre en alerte c’est-à-dire d’être présent, d’être conscient que quelque chose s’allume.

On peut considérer que la période de solstice d’été s’étale sur environ cinq jours, au cours desquels la longueur de présence maximale de la lumière se stabilise. Sur le plan des rites, que met-on en place lorsque l’on prépare un solstice d’été, qu’importe-t-il de mettre en forme ? Le bûcher comportera toujours en sa partie centrale de la paille et du bois très sec ; il doit avoir l’une de ses faces orientée vers le Nord. Une roue solaire en forme de couronne, ou la rune de vie peuvent être apposées sur chacune de ses quatre faces. Pour les néophytes, la roue solaire c’est ce cercle doté d’une croix à l’intérieur, représentation du centre primordial. Dépasse souvent du bûcher un mât, qui rappelle la tradition du mât de Mai. Le montage du bûcher doit en principe se faire à l’abri des regards, « secrètement », peu de gens doivent avoir accès au feu, et l’accès au bûcher préparé doit ensuite se faire en cortège silencieux, moment d’introspection, avec lampions ou torches, les convives le découvrant au dernier moment. On tourne autour du bûcher, pour figurer la grande respiration cosmique (déjà présente dans des représentations du néolithique). C’est la « danse cosmique », la rotation du ciel et des constellations qui est représentée sur Terre par ces girations ces spirales processionnaires. La présence de tambours ou d’instruments du folklore est la bienvenue. La mise à feu cérémoniale est la partie inaugurale de la veillée, faite par des porteurs de torches, s’ils sont quatre chacun doit allumer une face du bûcher (aux quatre points cardinaux), et agissant en même temps.

Ce moment autour du brasier est aussi celui de faire pourquoi pas des vœux, de prière intime, de s’expliquer avec les gens qu’on aime, la possible réconciliation entre personnes ayant eu des différends. Ce moment est aussi déroutant pour qui découvre le paganisme, ou par rapport aux pratiques d’un observateur extérieur appartenant à un monothéisme, car il n’y a pas d’invocation verbale aux dieux par un officiant, par un prêtre. Le vécu du moment est très introspectif, c’est l’homme qui est au centre de l’évènement. Quand on parle de ce moment ou de la spiritualité païenne à des gens qui ne la connaissent pas, on s’aperçoit souvent que pour eux cela est très abstrait. Il y a encore cette imagerie chez les personnes extérieures au paganisme de la nécessité de se raccrocher à des livres ou à des dieux spécifiquement nommés. Ce n’est pas tout à fait la démarche de la célébration païenne du solstice qui se réfère à des « forces », à des puissances. Ce qui est important c’est l’invocation des puissances. Libre à qui veut cependant de nommer Thor, Athéna, Svarog, Cernunnos ou toute autre divinité s’il en ressent le besoin, mais le paganisme n’est pas dans la démonstration littéraire, et beaucoup de choses se disent sans les mots. Sur le plan des gestes accomplis, on peut songer au tison que l’on a conservé du solstice d’hiver et que l’on replace dans le feu pour le « réensemencer », bénir un alcool local, bénir de la farine en symbole de moissons à venir que l’on espère riches. La symbolique guerrière peut aussi être mise en œuvre avec une danse des épées autour du feu… Un moment où les forces se réincarnent sous leurs trois fonctions (sacerdotale, laborieuse, guerrière), et même sous la fonction artistique, il est important que les poètes s’expriment à ce moment-là. Les vœux peuvent être accompagnés de rameaux distribués d’un arbre fruitier (pour la fonction productive), de chêne arbre robuste par excellence pour la force, la vigueur et le courage, d’if ou de frêne pour le monde du subtil et de la sagesse. Ces supports rituels amènent à se connecter à ces trois fonctions et à donner au feu cette intention en y plaçant ces rameaux. Au rang des rituels et des vœux on trouve aussi la pratique pour les couples de se tenir la main et de sauter par-dessus le feu (un feu secondaire plus modeste pour davantage de sécurité ou pour les moins aguerris), pour les purifier symboliquement avant le mariage et bénir leur future union. Sauter par-dessus le feu est aussi pratiqué par les jeunes qui veulent montrer leur vigueur. On peut même dormir auprès du feu et accompagner son cycle qui s’éteint au petit matin, le soleil prenant le relais. Le salut au soleil matinal est un moment fort.

Autant la partie « cérémonial » doit se dérouler dans une atmosphère de recueillement et de ferveur, autant la partie « veillée » doit être une fête animée et joyeuse dont le lancement doit être annoncé par l’animateur désigné de la soirée tout comme il annonce son heure de fin (minuit) à partir de laquelle ceux qui le désire pourront se retirer ; les autres attendront l’aube autour du feu pour voir se lever le disque d’or. La transition entre la partie « cérémonial » et la partie « veillée » peut être marquée par une distribution de vin chaud autour du feu. Ce qui convient le mieux à un Solstice d’Eté est un buffet campagnard. Il faut proscrire le repas gastronomique qui retient les participants trop longtemps à table ; le repas doit avoir lieu au début de la soirée, afin de ne pas perturber le déroulement de la veillée.

La pratique des fêtes de solstice revient un peu partout. C’est la preuve qu’il y a inconsciemment chez nos peuples un besoin de se recentrer, de retrouver de la lumière. Mais gare à ne pas tomber dans la caricature. Il faut essayer avant tout de trouver le message du solstice, le message à donner à ceux qui s’en approchent et qui sont dénués de toute explication mais attirés par cette idée. La communion avec le sacré et la nature est une réponse possible dans cet ordre cosmique cyclique des choses. Perpétuer la tradition la plus ancienne, pratiquée depuis la nuit des temps, perpétuer cette flamme, en est une autre. Avec la vision de ce bûcher central et la communauté de peuple autour, les gens retrouvent dans leur inconscient quelque chose qu’ils recherchent parce qu’ils en sont privés dans le monde actuel, urbain. Ceux qui ne sont pas perdu parce qu’ils ont irrémédiablement basculé dans la « force noire » du modernisme sans âme et de l’individualisation horrible, peuvent retrouver l’esprit communautaire. Point n’est besoin d’être forcément nombreux, ce peut être fait à l’échelle d’un village, d’un groupe modeste d’amis (les grosses célébrations pour l’heure sont l’apanage des scandinaves, des pays Baltes et des anglo-saxons). S’agissant de la date de célébration, il n’y a pas de dogme figé, avant le 20, le 21, juste après, c’est sans importance, la période s’étalant comme on l’a vu sur une petite semaine. On ne gagne pas en « pureté » à être exactement dans le moment astronomique de la plus longue journée. Se calquer si nécessaire sur la fin de semaine la plus proche du 21 (avant ou après, sans aller jusqu’au 1er juillet tout de même), pour des questions de disponibilité des participants ne pose aucun problème, les puissances naturelles sont là.

En dernier lieu, nous ne pouvons que conseiller de vous tourner vers l’ouvrage de Jean Mabire et Pierre Vial, Les Solstices histoire et actualité aux Éditions du Lore.

« Le symbole du Solstice est que la vie ne peut pas mourir. Nos ancêtres croyaient que le soleil n’abandonne pas les hommes, et qu’il revient chaque année au rendez-vous du Printemps. Eh bien nous croyons avec eux que la vie ne meurt pas, et que par-delà la mort des individus la vie collective continue. Qu’importe ce que sera demain, c’est en nous dressant aujourd’hui, en affirmant que nous voulons rester ce que nous sommes, que demain pourra venir. Nous portons en nous la flamme, la flamme pure de ce feu de foi. Non pas un feu de souvenir, non pas un feu de piété filiale, mais un feu de joie et de gravité qu’il convient d’allumer sur notre terre. Là, nous voulons vivre et remplir notre devoir d’hommes, sans renier aucune des particularités de notre sang, notre histoire, notre foi, entremêlées dans nos souvenirs et dans nos veines. Ce n’est pas la résurrection d’un rite aboli, c’est la continuation d’une grande tradition, d’une tradition qui plonge ses racines au plus profond des âges, et ne veut pas disparaître ». – Jean Mabire