Le cosmopolitisme jusqu’à la nausée

Guy Konopnicki, sociologue idolâtre du cosmopolitisme, est l’un des éminents acteurs du feu roulant de dénigrement, de mépris, d’insulte et de culpabilisation contre l’enracinement et l’identité, ayant abouti en cinquante ans au suicide français. Clamé dans son ouvrage La Place de la nation (Editions O.Orban, 1983), il entend débarrasser le pays de tout ce qu’il peut avoir encore d’exaspérant aux yeux de l’idéologie mondialiste : « culte du terroir, extase devant les vertus paysannes, philosophie spontanée, bon sens populaire et toutes sortes de vieilleries réactionnaires. ». Nous avons pris plaisir à commenter quelques extraits de son immonde publication :

Antoine Pinay, écrit Konopnicki est un homme très « populaire dans cette France profonde qui stocke les patates à la première grève venue et se vante de ne plus investir dans l’industrie depuis qu’on lui a fait le coup de Suez et celui des chemins de fer russes. » Le petit épargnant français l’exaspère avec sa manie d’économiser pour ses vieux jours, et sa méfiance instinctive pour les margoulins de la finance. Insupportable cette « tradition de l’anticapitalisme de droite, tradition bien française s’il en est… tradition d’une hypocrisie fondamentale qui, sous prétexte de préférer les valeurs nobles de la terre et de la pierre, conduit à protéger l’argent dans les valeurs refuges foncières et immobilières. En France, on n’investit pas, on place. On ne joue pas avec l’argent. On le cache, on l’enfouit sous les piles de draps et dans les matelas. Et quand le coq est vaincu, il reste le petit écureuil des caisses d’Epargne. » Il est vrai qu’après la succession de scandales financiers et les innombrables escroqueries qui avaient émaillé l’histoire de la Troisième République, les petits épargnants floués regardaient d’un œil légitimement suspicieux les placements financiers. On comprend alors la douleur des Konopnicki, qui auraient évidemment préféré que le magot fut confié aux spéculateurs internationaux et autre Stavisky… Cette pusillanimité, cette mesquinerie, se sont naturellement poursuivies sous la Cinquième République : « Sous la plume du coq, le gaullisme a vu une poule mouillée… L’Hexagone était devenu un jardin à la française : point de surprises dans nos allées, point de chienlit sur nos pelouses. »

Mais le dégoût de l’intello cosmopolite ne concerne pas seulement la France « réactionnaire ». Il vise aussi une certaine culture de gauche exprimée par le Parti communiste, qui à l’époque véhicule encore trop lui aussi des concepts encore trop imprégnés de l’idée de terroir : « C’est à lui que revient la paternité du slogan Fabriquons Français. » Les chômeurs victimes de la casse de l’outil de production nationale pour délocaliser, apprécieront. Une certaine gauche française rejoignait donc la droite (c’est fini depuis l’après Georges Marchais) dans le culte de valeurs nationales et terriennes : « Comment s’étonner dès lors si la nouveauté et l’imagination ont si peu de place dans ce pays, quand deux forces se conjuguent depuis si longtemps pour marginaliser tous ceux qui, des mendésistes d’autrefois aux juifs allemands de 68, tentent de regarder au-delà d’un horizon borné de six côtés ? » Personnellement, je me serais volontiers passé de voir émerger l’imagination qui a produit la diarrhée du rap et l’ancrage institutionnellement aidé de l’islam.

Mais si Konopnicki nous fait tout de même l’honneur de vivre en France, c’est qu’il y trouve néanmoins quelques raisons de se réjouir : « Il serait particulièrement injuste de survoler le paysage idéologique sans mentionner l’existence de ces quelques bouffées d’oxygène qui, comme Libé ou le Canard, rendent encore la France supportable ».

« On ne remerciera jamais assez le capitalisme d’avoir arraché les paysans à la terre pour les mener dans les villes. » Dans l’esclavage des usines et de l’industrie n’est-ce pas. Mais des lieux « contraints à un renouvellement constant par les lois les plus culturelles qui soient, celles du marché et de la concurrence. » Chaque Français peut en effet aujourd’hui profiter pleinement de tous les spectacles que lui offrent le cinéma cosmopolite de Hollywood et les expositions d’art contemporain. C’est cela, la vraie culture ! Et Konopnicki ne cache pas qu’il considère qu’il y a bien des cultures supérieures et d’autres qui leur sont définitivement inférieures : « La plus nulle des revues de Broadway surclassera toujours l’affligeant spectacle des danses folkloriques en sabots. » On pourrait bien sûr objecter que les peuples africains, les tribus du Maghreb, les Indiens d’Amazonie, et tous les peuples d’Asie peuvent à bon droit se sentir insultés par ces propos. Mais il semblerait que Konopnicki ne réserve son mépris que pour les cultures européennes. En atteste encore ce passage écrit à la suite d’un voyage en URSS : « Je n’ai jamais rien vu de plus affligeant que ces danses folkloriques qui se ressemblent toutes, que ces villageoises avec nattes, foulards et galoches. »

Sur la délinquance et l’insécurité : « Il y a certes une augmentation impressionnante du nombre de délits – écrit-t-il encore – mais les statistiques comprennent la délinquance en col blanc, y compris ces deux sports nationaux que sont la fraude fiscale et l’infraction à la législation sur les chèques ». Pour rappel, l’établissement d’un chèque sans provisions a été progressivement dépénalisé par des lois de 1972, 1975, pour l’être totalement en 1991 et devenir une simple entorse au contrat de droit privé qui lie le client à sa banque. On appréciera la nature des ficelles qu’utilise un homme tel que lui, parfaitement informé de ces détails de dépénalisation déjà partiellement effective au moment où il écrit, pour juger à ce seul exemple de l’honnêteté intellectuelle et la fiabilité des arguments de ce Monsieur.

« La catégorie sociale criminogène n’est pas celle que l’on croit : le vivier le plus riche en truands se reconnaît à sa tenue léopard. Il se nomme armée française. La proportion de délinquants atteint des sommets chez les anciens engagés volontaires d’Algérie et d’Indochine. Rares sont les truands et les assassins qui n’ont pas baroudé dans les rizières et les djebels. Et c’est depuis la fin des guerres coloniales que la courbe des agressions est ascendante. On pourrait également évoquer ces autres milieux hautement criminogènes que sont la police, la gendarmerie ou les milices privées. Combien d’anciens flics a-t-on vus sur les bancs des cours d’assises ! Mais de cela on parle peu. » La France a donc usé non de soldats mais d’assassins, et la courbe des agressions n’est donc ascendante que depuis leur retour, et absolument pas en lien avec l’immigration extra-européenne qui a elle aussi découlé de la fin des guerres coloniales. Pourtant, ceux qui remplissent nos prisons aujourd’hui ne semblent pas être majoritairement des militaires ou des policiers. Konopnicki le sait comme tout le monde. C’est pourquoi il prend la peine de préciser en amont que ceux qui remplissent nos prisons y sont parce qu’ils sont davantage visibles, « facilement repérables, et plus vulnérables à la répression ».